UN TRAIN , UNE GARE

Le train arrive sur le viaduc. Je l’entends… Une minute… Je le vois.
Et lui, vais-je le reconnaitre ? Il a bien dit : « aucun signe distinctif, on se reconnaitra. »
Ce matin, je suis partie tôt. Je connais la route. Je connais Morlaix. Je sais où se trouve la gare. Mais j’ai besoin de prendre l’air du large pour me détendre avant la rencontre. Je vais jusqu’à Carantec me promener sur la plage. Je monte jusqu’à la chaise du curé. En fait de chaise, c’est un banc et le curé est parti depuis longtemps. C’est tant mieux, je n’ai rien à confesser. Je m’assoie. Il fait beau. La mer est haute. Un ferry quitte le port de Roscoff. J’oublie le train de Paris pendant un instant quand je pense que je préfère le plancher des vaches plutôt que les petits ou les grands bateaux. J’aime la mer, vue de la terre !
Et si nous venions déjeuner ici à midi ? J’ai le temps d’aller réserver une table au restaurant sur le port. Au revoir monsieur le curé, je reviendrai tout à l’heure faire les présentations.
La table est réservée. Pourvu qu’il aime les fruits de mer et le poisson. Nous n’avons guère parlé de nos goûts culinaires depuis trois mois, malgré des conversations téléphoniques de deux heures et plus. Nos débuts balbutiants sur la toile étaient des plus laconiques. En réponse à : « jeune femme seule qui s’ennuie à Carhaix, cherche homme pour amitié voire plus si affinité » j’ai reçu : « homme seul dans la foule parisienne trouverai bien bretonne perdue dans les monts d’Arrhées » un bon point pour lui, il sait où se trouve Carhaix, il est vrai qu’avec internet, il est facile de trouver si on cherche un peu. Je souris en lisant. Je réponds. J’attends. Il répond. Je souris. Je réponds. J’attends. Il répond….72 heures de silence de ma part. Panne d’ordinateur. Les journées sont longues. Réparation enfin ! Clique de souris. Je souris. « Mais que fait la police en Bretagne, où est mon amie depuis trois jours, allo le 17 ? » Je pianote : « et si je te donnais mon numéro de téléphone ?»
- allo, bonjour Viviane, c’est Christian.
Oh, la voix, sa voix ! Douce, grave, sensuelle. J’en perds la mienne.
- hum, hum, oui, c’est moi, bonjour.
J’ouvre la fenêtre. J’ai chaud. Les questions et les réponses se succèdent à un rythme infernal pendant…je ne sais pas, je n’ai pas vu le temps passer. A demain.
Allo. Bonjour.
On apprend à se connaitre. On se découvre. On s’apprivoise. Je me suis décrite : petite à lunettes genre passe partout et toi ?
- Tu verras, je vais venir te voir.
- Mais tu as les yeux bleus, rouges, verts, les cheveux longs et les idées courtes ?
- Tu verras.
- Tu ressemble à Belmondo, Rambo ou Delon ?
- Je suis moi, avec des yeux bleus.
- Je vais prendre des jumelles pour les voir arriver de loin tes yeux bleus.
11 H 45 le train entre en gare. Je n’ai pas pris les jumelles. Il y a du monde. Je ne sais pas si je dois rester dans la gare ou aller sur le quai. J’opte pour le quai. Je m’accoude à la rambarde du souterrain qui va sur l’autre voie. Le train s’immobilise. Moi aussi. Je retiens mon souffle. Ils vont tous descendre ici ma parole, ils ne peuvent pas aller jusqu’à Brest. Un signe de la main... C’est pour une autre. Des valises qui passent. Des mains qui se serrent. Des baisers qui claquent sur des joues. Des rires qui éclatent. Je me liquéfie. Le quai se vide. Plus que deux hommes qui arrivent de la toute dernière voiture d’un pas nonchalant. Plus que moi, rivée au sol. Un accélère et sort. L’autre, un sac en bandoulière, ralenti, sourit, ouvre les bras. J’avance. Ce n’est pas Belmondo, Rambo ou Delon, c’est lui.

j'ai tout lu!!! et voici mes impressions : l'écriture est vivante, donne envie de continuer à lire le texte, c'est drôle à la fois et profond d'autres fois, je ne sais pas si ce que j'écris explique bien ce que je ressens à la lecture de tes textes, , je ne peux que te dire, continue de t'exprimer, tu le fais très bien, et moi je continuerai avec plaisir à te lire