Héros d'un jour.

Le chef du protocole, François Vatel, était sur les dents. Et des dents, il allait en avoir des milliers sous lesquelles il faudrait mettre de la nourriture. Louis XIV avait accepté l'invitation du Prince de Condé, son maître, et quand on connaissait le roi, il fallait s'attendre à des débordements. De cinq cents invités au départ, on se retrouva avec plus de trois milles convives qu'il fallu d'abord loger. Les fêtes dureraient du jeudi au dimanche, comme de coutume. Soixante tables étaient servies trois fois par jour au château et les autres repas étaient livrés sur les différents lieux de résidence. Obligation étant de servir du poisson un jour sur trois, Vatel voulut servir des poissons de mer et non des sandres, brochets ou carpes pêchés dans les rivières avoisinantes. Pourquoi, cette lubie ? Il n'eut pas le temps de se poser la question. Des tonnes de lottes, turbots, soles et autres poissons fins furent commandés à Boulogne sur Mer, à deux cent cinquante kilomètres de Chantilly. Débordés de travail, au bord de l'épuisement, il fit ce que l'on pourrait nommé, un burn-out royal. N'ayant pas dormi depuis douze jours, il attendait la livraison de son cher poisson qui arrivait au compte-gouttes. Huit heure avant l'heure du repas, en ce 24 avril 1671, il n'avait reçu que le tiers de sa commande. La veille, un début de déshonneur s’était abattu sur ses épaules. Ils avaient manqué de rôtis. Il aurait dû prévoir deux ou trois kodiaks au menu, ces grands ours, sont délicieux grillés au feu de bois ! N'y tenant plus, en ce funeste vendredi, il monta dans sa chambre et se fit hara-kiri avec son épée. D'un coup de baguette magique, son corps disparut dans l'heure qui suivie.
Sa mort fit tout de même un barouf d'enfer auprès du roi et de sa cour.
Tel zorro, je suis arrivé pour sauver l'honneur du grand Condé. Je me présente. Je m'appelle Ratatouille, cuisinier en chef des caves du domaine. On me reconnaît à ma robe couleur pie, fauve et blanche, plutôt rare pour un rat, il faut bien l'avouer! Je suis aux premières loges pour être au courant de tout et aidé de mon fidèle compagnon, Closter, un petit garçon aveugle de naissance, je mît tout le monde aux fourneaux. Louis XIV fut servi royalement en temps et en heure. Le pauvre Vatel aurait attendu quatre heures de plus l'arrivée de tout le poisson, il ne serait pas mort, et moi je ne serais pas devenu un héros, donc...
Un délicieux turbot aux piments oiseaux et sa compotée d'ananas et pommes caramélisées, le tout garni de crosnes et bulbes de fenouil aux cinq baies, fut apporté en grandes pompes à sa seigneurie. Il s'en délecta et ne tarit plus d'éloges à mon encontre. Je fut décoré de l'ordre du mérite quelques jours plus tard et depuis je coule des jours heureux dans la grande cuisine du château de Versailles où je fut nommé grand chef !  

le thème : petit personnage de la grande histoire. Son rôle permet de sauver une situation compromise. Son heure de gloire est arrivée.
quelques contraintes : homme, femme ou enfant aveugle traverse l'histoire.
trois mots : Kodiack (ours) barouf et enfer.
une couleur : pie noire.(noir et blanc ou fauve et blanc)
une recette de cuisine exotique et farfelue.