Deux solitudes ! 2018

La fenêtre s'ouvre et l'air frais entre dans la pièce. Elle reste devant, en chemise de nuit. C'est un long t-shirt rose avec un nounours qui dort, incrusté sur le devant. Elle se penche, ses longs cheveux blonds lui tombent devant les yeux. D'un geste de la main, elle les repousse en arrière. Elle pose devant elle ce qu'elle vient de ramasser à ses pieds. On dirait que c'est une paire de lunettes de soleil. Elle a dû sortir hier. Je ne l'ai pas vue en soirée comme d'habitude. Aurait-elle trouvé un copain avec qui sortir? Depuis des mois que je l'observe de ma chambre, je n'ai jamais vu le moindre garçon entrer chez elle. Pourtant, elle est belle, un peu timide, peut-être?
Pour l'instant, elle fait quelques mouvements de gymnastique pour finir de se réveiller. Une dernière pirouette et elle me tourne le dos pour aller préparer son café. Je le sais, c'est le même rituel tous les matins. Elle va revenir avec sa tasse et sa tartine et elle va finir son petit-déjeuner, debout, devant sa fenêtre en regardant partout dehors, sauf chez moi, quelques branchent d'arbre me cachent à sa vue.
Que va-t-elle mettre aujourd'hui? Je connais sa garde robe par cœur, je n'ai pas beaucoup de mérite, elle n'est pas très conséquente. Vu la chaleur qui monte déjà, je parie pour son short en jeans et son débardeur jaune. Elle est repartie dans sa cuisine et la voilà qui va dans sa salle de bain. Un quart d'heure plus tard, je constate qu'elle a bien son short mais que c'est le débardeur bleu qu'elle a passé. Elle a relevé ses cheveux en queue de cheval. Elle s’assoit à son bureau après avoir replié son lit. C'est tout petit chez elle. Un studio avec lit escamotable, une petite kitchenette et salle de bain, WC dans la seconde pièce. Elle va bientôt partir avec son sac sur l'épaule. Elle prendra le bus au coin de la rue, j'arriverai encore à la voir et j'attendrai le soir pour retrouver son sourire. Mes journées sont rythmées sur sa vie depuis qu'elle est apparue un jour d'automne dans l'immeuble d'en face. Elle me rappelle moi, à vingt ans ! J'étais aussi belle qu'elle, aussi vivante! Désormais, vieille et clouée dans mon fauteuil, derrière mes rideaux, je vis par elle, je vis pour elle.
Mais, tiens, elle revient une heure plus tôt ce soir.
Que s'est-il passé, rien de fâcheux, j'espère ?
Je prends mon cahier, mon crayon et j'imagine... Un jour, je publierai tout cela, et je lui dédicacerai... un jour !