Lucille...

Sa chambre déborde de peluches en tout genre. Un lion, un chat, un chien, un serpent, un éléphant, une girafe, des nounours, etc. Il y a aussi des baigneurs au corps en tissu, avec ou sans cheveux, dont un vrai garçon. Une très belle poupée, un peu grande pour une fillette de quatre ans et que sa maman a conservée de son enfance, bras et jambes articulés, de beaux cheveux longs et soyeux et qui répond au doux nom de Caline, complète la collection. Lucille adore jouer dans sa chambre avec tous ses jouets. Elle vit dans un appartement et n'aime pas la compagnie des enfants du quartier qu'elle retrouve pourtant aux jeux de plein air de la résidence où sa maman l'emmène régulièrement. Elle est timide et renfermée Lucille. Elle n'aime pas l'école non plus. Trop de monde, elle ne peut pas rêver à son aise. Il y a toujours quelque chose à faire. À la maison, c'est une enfant adorable. Jamais contrariante, toujours souriante, pour le plus grand bonheur de sa maman. Une fierté pour elle qui l'a élevée seule depuis sa naissance. Son papa, elle ne le connaît pas. Existe-t-il ? Parfois, elle se pose la question, Lucille.
Demain, c'est son anniversaire. Juste avant de se coucher, maman lui a dit qu'elle avait invité deux de ses amies à venir jouer et manger et que le matin elles feront un gros gâteau pour mettre les bougies. Lucille a dit : « merci maman ».
Maman a éteint la lumière et fermé la porte.
Lucille a les yeux grands ouverts dans le noir. Elle pense. Elle n'a pas d'amies Lucille. Elle ne veut pas fêter son anniversaire Lucille. Elle veut juste son papa. Elle est en colère Lucille. Une colère froide. Elle se lève, sort sur la pointe des pieds, va chercher les grands ciseaux de maman. Elle revient dans sa chambre, ferme la porte, allume sa lampe rose au pied en forme de fée. Elle s'assoie tranquillement sur le tapis. Elle va se couper la main Lucille. Aie, ça fait mal ! Elle pleure Lucille. Elle regarde autour d'elle. Elle prend ses peluches. Une par une, elle leur coupe les bras et les jambes, méthodiquement, calmement. Elle prend tous ses bébés. Elle continue. Elle termine par la jolie poupée de sa maman, encore plus lentement. Deux heures plus tard, elle s'allonge et s'endort au milieu de tous ses jouets démembrés. Un rescapé dans cette hécatombe, le serpent !