Nuit ensorcelée.

être dans un univers parallèle, enfermé dans un magasin pendant la nuit, ne pas se faire attraper, pouvoirs magiques autorisés et appréciés.



L’assourdissant silence me réveille. J’ouvre les yeux. Me redresse. Où suis-je ? Quelle heure est-il ? Pour la seconde question j’ai la réponse en regardant à mon poignet, il est minuit. Cette montre n’est pas la mienne. Elle est grosse avec un cadran lumineux, d’ailleurs il s’éclaire subitement sous mes yeux. Une tête étrange, mi-chouette, mi-souris me regarde. Elle s’adresse à moi : « lève toi et suis moi. » je voudrais lui demander qui est elle, où je suis mais aucun son de sort de ma gorge. J’obéi comme téléguidée par cette voix. Je sors de la cabine d’essayage comme un automate. Le lieu ressemble au grand magasin que je fréquente régulièrement à côté de chez moi, mais… La voix me guide. Autour de nous on croirait que tous les vêtements, habituellement sur des cintres, sont habités de formes invisibles mais qui pourtant les animent. Ils vont et viennent, sans me voir. Qui ramasse un objet à terre, qui en pose un autre sur un mur. C’est irréel. Ils ont tous l’air de flotter. Le plus étrange c’est que je flotte aussi. La voix me guide toujours. Nous passons au travers d’un mur, sans aucun problème, puis au travers d’une voiture sans ouvrir les portes et nous voici dehors. C’est un dehors étrange. Il ressemble à une chambre à coucher, sans murs, sans lumière, sans un souffle d’air. C’est un dehors, dedans. Mais dans quoi ? Une atmosphère sans vie, mais habitée. Tout n’est que contradictions. Je voudrais savoir, mais les sons ne sortent toujours pas de ma gorge. La voix me dit de m’assoir. Où ? Je ne vois rien. Tout se fond, se confond. Elle me fait signe : « là ». Je fais le mouvement de m’assoir et je sens un fauteuil confortable sous mes fesses mais j’ai beau regarder, il n’y a rien sous mes fesses. Des faisceaux de lumières s’approchent. M’entourent. M’observent. Ils me touchent. Me passent au travers. On dirait des êtres vivants mais non palpables. Une armée de fantômes. Ils ne parlent pas. Etrangement, je n’ai pas peur. Je n’ai toujours pas la réponse à ma question « où suis-je ? » et je m’en moque. Je suis bien. Je les regarde. J’en imagine un qui devient tout vert et instantanément il devient vert. J’image un autre devenir rouge, il devient rouge. C’est drôle, je continue. J’imagine celui-là se transformant en sac à main, il devient sac à main. Les autres deviennent chaussures, bottes, chaussons, chapeau, cravate, gant, manteau, pantalon, robe… Toutes mes pensées se transforment devant mes yeux. Je suis dans un dressing géant et vivant au gré de mon imagination, de mes envies. Alors je pense que je voudrais revenir dans la cabine d’essayage, dans le magasin à côté de chez moi. La montre me fait les gros yeux. Elle ne m’impressionne pas. Je pense encore plus fort, de toutes mes forces.
Des lumières s’allument. Des bruits arrivent à mes oreilles. Des pas approchent. Comment vais-je sortir de la cabine sans me faire remarquer ?